Par Timothée Poulain
Illustration : Amélie Tourangeau
Thomas Watt : On vous explique les sujets qui nous tiennent à cœur et pourquoi ils nous concernent…
Pour commencer cette série, un sujet qui nous tient à cœur : l’obsolescence programmée.
Qu’est-ce qui se cache derrière ce terme ? Mythe ou réalité ? Pourquoi cette pratique est-elle toujours aussi présente ? Comment est née l’idée d’un tel procédé ?
On vous dit tout !
En 1970, mon grand-père, jeune designer de système de réfrigération pour General Motors, subit de plein fouet une restrucutration. Une vague de licenciement que subiront beaucoup d’entreprises de l’époque. La raison : On ne vend plus assez… Pourtant les produits sont fiables et robustes. Tout est dit, le problème est là. Plus personne ne change de réfrigérateur. Les produits ont une longévité telle que le marché est saturé et ne se renouvelle plus, c’est une situation vraiment problématique.
En 1924, le groupe d’industriels (ou le cartel) de l’éclairage Phœbus dresse déjà cette problématique et essaye de s’accorder pour limiter par des moyens techniques la durée de vie des ampoules à 1000 heures 💡 et ainsi en vendre plus.
Parmi eux, on note de grandes entreprises comme : Phillips, Osram et General Electric. Ils seront finalement condamnés 25 ans plus tard pour entente sur les prix et leur influence continuera à limiter la durée de vie des ampoules pendant longtemps après ça. Cet événement restera dans les esprits comme la première preuve de l’existence possible d’une obsolescence — volontairement — programmée et alimente encore aujourd’hui certaines théories quasiment complotistes.
Ce « quasi complot », vous en avez vous-même déjà parlé, et nous aussi. Par exemple à propos de nos imprimantes : archétype du produit qui n’est pas fait pour durer. Il y a quelques années, plusieurs associations de consommateurs essayaient d’alerter le public à propos de l’existence d’une puce de comptabilisation d’impression qui bloquerait le fonctionnement de l’imprimante à partir d’un certain nombre de pages imprimées.
Fabulations, réalité ou réponse à une nécessité technologique ? Les industriels ne se sont pas prononcés sur l’existence ou l’utilité de ces puces et pourtant tout le monde vous dira : « mon imprimante tombe en panne tous les ans, j’ai eu un code erreur inconnu, mes cartouches d’encre se vident trop vite, j’ai encore changé d’imprimante… ». L’homme est-il vraiment capable d’aller sur la lune 🚀, mais incapable de créer une imprimante qui dure plus de 3 ans ?
Chez moi, je n’ai pas d’imprimante, mais j’ai une machine à expresso, et il y a peu elle est tombée en panne. De l’eau est sortie par tous les trous sauf le bon : pas très bon signe. Il ne m’en faut pas plus pour dresser ce diagnostic alarmant : ma cafetière est cassée. Prêt à mettre ma machine sur le trottoir comme n’importe quel consommateur, je me ravise finalement. Et si on l’ouvrait, voir ce qui ne fonctionne pas… Aujourd’hui, ma machine va bien ! Elle est en pleine forme. À l’intérieur, j’y ai trouvé une simple vanne qui s’était cassée net et franc. Racheter la pièce ne m’a coûté que 5 €. Un détartrage au vinaigre blanc et me voilà de nouveaux buveurs d’expressos pour quelques années. Mais forcément, on s’interroge, est-ce que cette pièce était faite pour être cassée ? Si oui, est-ce par sécurité pour éviter que l’eau entre en contact avec le circuit électronique (ce qui en effet a été évité) ? N’aurait-on pas pu penser cette machine expresso pour qu’elle ne tombe pas en panne ?
Des ampoules de Phœbus à la cafetière en passant par l’imprimante, c’est ça l’obsolescence programmée ! C’est cette réponse apportée par les entreprises et les industriels face à la saturation et au non-renouvellement du marché : concevoir des produits qui ne sont pas forcément faits pour durer. Même si le phénomène d’obsolescence préprogrammée est parfois qualifié de complot par certains, la réduction de la durée de vie des produits et l’accélération du renouvellement est une réalité.
Cependant peut-être que la « démarche » est un peu plus floue qu’imaginée et elle n’est peut-être pas aussi volontaire que celle des industriels de Phœbus. Elle répond à un besoin de produire pour moins cher, plus rapidement, avec des matériaux plus légers, des produits simples d’utilisation et surtout sans besoins de maintenance !
Maintenant qu’on a dit que l’obsolescence programmée est aujourd’hui, surtout la volonté de concevoir des produits qui ne sont pas forcément faits pour durer. N’a-t-on pas une impression de « déjà vue » 🤔 ?
Finalement, les dates de péremption, les bâtiments neufs, la mode, l’innovation, est-ce que ce ne sont pas d’autres formes d’obsolescence programmée ? Pensons-y. La maison de mes grands-parents située dans la petite ville médiévale ariégeoise de Mirepoix a été construite aux alentours du 13e siècle. Environ 800 ans d’histoire. Aujourd’hui, la durée de vie d’une maison neuve tourne autour de 60 ans… Loin de nous l’idée de dire : « c’était mieux avant ». Mais, c’est étonnant de voir l’investissement qu’était prête à faire une famille, avec les techniques de l’époque, pour loger leurs descendants pendant les 8 siècles suivants. N’est-ce pas étonnant qu’aujourd’hui nous ne soyons pas prêts à investir et à construire avec un horizon qui dépasse le demi-siècle ?
Pensons-y aussi quand on imagine la Mode ; outil fantastique d’expression et de création. C’est aussi un mécanisme de renouvellement redoutable qui justifie une production de masse de vêtements à bas coûts et une qualité pas nécessairement utile, puisque le vêtement de mode est voué à être changé pour suivre la tendance.
Pensons-y quand on achète le dernier iPhone, pour être à la pointe de la technologie, car sur notre ancien smartphone l’écran est cassé et la batterie est à plat.
Pensons-y quand on jette un yaourt qui a dépassé de 2 jours la date de consommation recommandée.
« Toute notre économie est basée sur une obsolescence programmée… nous fabriquons de bons produits, nous incitons les gens à les acheter, puis l’année prochaine nous introduisons délibérément quelque chose qui rendra ces produits démodés, désuets, obsolètes. »
– Brooks Stevens, 1960 (designer emblématique du mode de vie américain)
Finalement : obsolescence technique, obsolescence logicielle, obsolescence esthétique, tout ça, ce sont aussi des formes d’obsolescence. Comme l’imprimante et la cafetière, tous ces exemples répondent à une volonté, assez capitaliste, des entreprises de vendre plus…
Si jamais, pour vous, diminuer volontairement la vie d’un produit par des moyens techniques est une bonne idée. Si vous vous demandez : est-ce que finalement ce n’est pas un bon moyen de relancer l’économie ? Alors voici un court paragraphe.
Parce qu’on ne vous dit pas tout sur les performances du produit que vous achetez : le mensonge ce n’est pas sympa.
Cela encourage un système de société consumériste. C’est-à-dire ; je produis plus que nécessaire. J’utilise plus de ressource d’un côté et je produis plus de déchets de l’autre. Comme notre monde est un monde aux ressources finies et que le recyclage n’est une réalité que pour seulement 10 % de nos déchets : c’est un problème. 🗑
Parce que produire plus, ça demande toujours plus d’énergie, ce qui participe directement aux émissions de gaz à effet de serre et au réchauffement climatique : c’est un problème. ⚡💨
Tout n’est pas perdu. Le monde change ! Il y a des solutions et des événements qui vont dans le bon sens !
Pour commencer l’obsolescence programmée est un délit depuis 2015 et une des associations luttent contre cette pratique : UFC que Choisir ; HOP (Halte à l’obsolescence programmée).
Autre bonne nouvelle : un indicateur de réparabilité va être créé sur 5 catégories de produits : smartphones, ordinateurs portables, lave-linges, tondeuses à gazon et téléviseurs. Il va falloir attendre un peu pour la Machine à expresso ☕.
Un peu moins récent, mais pas moins intéressant : l’économie de la fonctionnalité. Initiée par Michelin pour la vente des pneus, elle consiste à payer pour l’usage plutôt que pour l’objet pour changer légèrement le paradigme économique. Payer ses pneus au kilomètre, rouler avec, payer son éclairage au temps de lumière utilisé, payer son système d’imprimante à la feuille imprimée…
Ça change tout ! À commencer par la structure du coût pour le client : pas besoin d’investissement initial (- de CAPEX, + d’OPEX). Ensuite, ça apporte une nouvelle source de revenus pour le fournisseur qui ne vend plus un objet, mais un service. Et enfin et surtout, le fournisseur a désormais intérêt à ce que l’objet fonctionne le plus longtemps possible : c’est la fin de l’obsolescence programmée.
Autre solution, l’économie circulaire : c’est l’économie du réemploi, c’est très à la mode, mais cette mode là on l’apprécie. On ne jette rien, on transforme, on répare. Quand votre voiture est en panne vous ne la jetez pas systématiquement en entier à la poubelle, comme la plupart des gens normaux vous l’emmenez chez le garagiste. Pourquoi ne pas faire la même chose avec le reste ? Bien sûr, le sujet est large et les solutions sont variées, mais on vous partage quand même quelques projets que vous devez découvrir si vous ne les connaissez pas : La vie est Belt, Low Tech Lab, Murfy, repair café…
Enfin pour conclure cette analogie avec la voiture, la dernière solution un peu moins sexy, c’est la maintenance qui par définition vise à augmenter la durée de vie de nos produits. Nous sommes convaincus qu’il faut réapprendre à prendre soin de nos biens pour qu’ils durent plus longtemps. C’est assez contradictoire avec nos modes de vie où tout est « ready to use », comme la machine à café… à capsule, qui, elle, fonctionne toujours, mais nous force à acheter des capsules.
Thomas Watt ne vend pas de café…
Chez Thomas Watt, nous ne vendons pas de café, nous vendons des services d’éclairage. Non, nous n’étions pas avec Phœbus en 1924 pour essayer de limiter la vie des ampoules à 1000 heures💡.
Nous luttons à notre échelle contre l’obsolescence programmée :
En proposant une plateforme connectée permettant de suivre l’état de vos luminaires en temps réel pour pouvoir les gérer en toute autonomie
Timothée Poulain
Chef de projet chez Thomas Watt
© 2020 THOMAS WATT LIGHTING PRO. TOUS DROITS RÉSERVÉS.